Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/618

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les fermiers des différents propriétaires. L’intérêt personnel des sujets qui sont ainsi traités avec faveur, et l’opposition qu’ils ne manqueront pas de susciter, sont les premiers et les plus puissants obstacles que rencontrerait une telle réforme ou toute autre du même genre. Secondement, en soumettant à un régime uniforme, dans toutes les différentes parties du royaume, la gabelle, les aides, les impôts sur le tabac, tous les différents droits de traites et d’accise, ces impôts pourraient être levés à beaucoup moins de frais, et le commerce intérieur du royaume pourrait devenir aussi libre que celui de l’Angleterre. Troisièmement enfin, en mettant tous les impôts sous une régie soumise à la direction et à l’inspection immédiate du gouvernement, les profits énormes des fermiers généraux pourraient bien être ajoutés aux revenus de l’État. Il y a à parier que l’opposition résultant de l’intérêt individuel de quelques particuliers ne réussira pas moins à empêcher ces deux projets de réforme que le premier.

Le système d’imposition établi en France paraît inférieur, à tous égards, à celui de la Grande-Bretagne. Dans la Grande-Bretagne, on lève annuellement 10 millions sterling[1] sur une population de moins de 8 millions de têtes, sans qu’on puisse dire qu’il y ait quelque classe particulière qui soit sous l’oppression. D’après les recherches de l’abbé d’Expilly et les observations de l’auteur de l’Essai sur la législation et le commerce des grains, il paraît vraisemblable que la France, y compris les provinces de Lorraine et de Bar, renferme environ 23 ou 24 millions d’habitants, trois fois peut-être autant qu’en contient la Grande-Bretagne. Le sol et le climat de France sont meilleurs que ceux de la Grande-Bretagne. Les progrès de la culture et de l’industrie y datent d’une époque beaucoup plus reculée, et la France est, par cette raison, mieux approvisionnée de toutes ces choses qui exigent un long temps pour être produites et accumulées, telles que les grandes villes et des maisons commodes et bien bâties, tant à la ville que dans les campagnes. En songeant à tous ces avantages, on aurait lieu de s’attendre qu’un revenu de 30 millions sterling, pour le soutien de l’État, pourrait être levé en France avec aussi peu de difficultés qu’un revenu de 10 millions l’est dans la Grande-Bretagne. Cependant, la totalité du revenu entrant dans le Trésor public de France, à l’époque de 1765 et 1766, d’après

  1. On en a levé six fois davantage pendant la guerre, et on lèvera nécessairement dans l’état de paix plus de 34 millions sterl. par année.