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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/628

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En un mot, le commerce et les manufactures seront rarement florissants dans un État où la justice du gouvernement n’inspirera pas un certain degré de confiance. Cette même confiance qui dispose de grands commerçants et de grands manufacturiers à se reposer sur la protection du gouvernement pour la conservation de leur propriété, dans les circonstances ordinaires, les dispose à confier à ce gouvernement, dans les occasions extraordinaires, l’usage même de cette propriété. En prêtant des fonds au gouvernement, ils ne se retranchent rien, même pour le moment, des moyens de faire marcher leur commerce et leurs manufactures. Au contraire même, ils ajoutent souvent à ces moyens. Les besoins de l’État rendent le gouvernement très-disposé, dans la plupart des occasions, à emprunter à des conditions extrêmement avantageuses pour le prêteur. L’engagement que l’État prend envers le créancier primitif, ainsi que les sûretés accessoires de cet engagement, sont de nature à pouvoir se transmettre à tout autre créancier et, vu la confiance générale qu’on a dans la justice de l’État, on les vend, pour l’ordinaire, sur la place, à un prix plus haut que celui qui a été payé dans l’origine. Le marchand ou capitaliste se fait de l’argent en prêtant au gouvernement, et au lieu de diminuer les capitaux de son commerce, c’est pour lui une occasion de les augmenter. Ainsi, en général, il regarde comme une grâce du gouvernement d’être admis pour une portion dans la première souscription ouverte pour un nouvel emprunt ; de là la bonne volonté ou le désir que les sujets d’un État commerçant ont de lui prêter.

Le gouvernement d’un tel État est très-porté à se reposer sur les moyens ou la bonne volonté qu’ont ses sujets de lui prêter leur argent dans les occasions extraordinaires. Il prévoit la facilité qu’il trouvera à emprunter, et pour cela il se dispense du devoir d’épargner.

Dans une société encore peu civilisée, il n’y a pas de ces grands capitaux qu’emploient le commerce et les manufactures. Les particuliers qui thésaurisent tout ce qu’ils peuvent ménager, et qui cachent leur trésor, n’agissent ainsi que par la défiance où ils sont de la justice du gouvernement, par la crainte qu’ils ont que, si l’on venait à leur savoir un trésor et à en connaître la place, ils n’en fussent bientôt dépouillés. Dans un tel état de choses, il y a bien peu de gens en état de prêter de l’argent au gouvernement dans ses besoins extraordinaires, et il n’y a personne qui en ait la bonne volonté. Le souverain sent qu’il lui faut pourvoir d’avance à de tels besoins par des épargnes, parce qu’il