Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/655

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telle portion de terre soit en bonne valeur, ou telle portion particulière de capital avantageusement dirigée. Comme créancier de l’État, il ne connaît aucune portion particulière de terre ou de capital ; il n’en a aucune sous son inspection. Il n’y en a aucune dont il puisse s’occuper ; il n’y en a pas une en particulier qui ne puisse être totalement anéantie sans que le plus souvent même il s’en doute ou au moins qu’il en soit affecté directement.

La pratique de créer des fonds perpétuels a successivement affaibli tout État qui l’a adoptée. Il semble que ce sont les républiques d’Italie qui ont commencé à en faire usage. Gênes et Venise, les deux seules de ces républiques qui puissent encore prétendre à une existence indépendante, se sont l’une et l’autre affaiblies par cette pratique. L’Espagne paraît avoir emprunté cette méthode aux républiques d’Italie ; et comme ses impôts sont vraisemblablement établis moins judicieusement que les leurs, elle a souffert d’une telle pratique encore plus qu’elles, à proportion de ses forces naturelles. La dette de l’Espagne est d’une date fort ancienne. Ce royaume était déjà très-obéré avant la fin du XVIe siècle, environ cent ans avant que l’Angleterre dût un sou. La France, malgré toutes ses ressources naturelles, languit sous un fardeau accablant du même genre. La république des Provinces-Unies est aussi épuisée par les dettes que l’est Gênes ou Venise. Est-il à présumer qu’une pratique qui a porté avec elle la langueur ou la détresse dans tout autre pays, sera, pour la Grande-Bretagne seule, exempte de suites fâcheuses[1] ?

On dira peut-être que le système d’imposition établi dans ces différents pays est inférieur à celui de l’Angleterre. Je le crois bien aussi. Mais il ne faut pas oublier que le gouvernement le plus sage, quand il a épuisé tous les objets propres à être imposés, se trouve réduit, dans le cas de nécessité urgente, à recourir à ceux qui n’y sont pas propres. La prudente république de Hollande s’est vue obligée, dans certaines occasions, d’avoir recours à des espèces d’impôts tout aussi nuisibles que la plupart de ceux de l’Espagne. Une nouvelle guerre commencée avant qu’on soit venu à bout de procurer aucun soulagement considérable au revenu public, et qui peut, dans le cours de ses progrès, de-

  1. En effet, cet état n’est pas normal ; il a imposé a l’industrie une charge qui l’écrase, et sans le fonds d’amortissement, dont le produit s’élève à 16 millions par an, le crédit public en aurait été mis en danger. Buchanan.