Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Roucher, 1792, I.djvu/35

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l’on perd ordinairement en quittant un ouvrage pour un autre, est beaucoup plus considérable qu’on ne peut l’imaginer au premier coup-d’œil. Le passage d’un travail à un autre travail, qui exige une place & des outils différens, entraîne une perte de tems inévitable. Le tisserand qui cultive une petite ferme, doit perdre beaucoup de momens en allant de son métier à son champ, & de son champ à son métier. A la vérité, si deux travaux différens peuvent s’achever dans le même attelier, la perte du tems est moindre ; mais dans ce cas même, elle est considérable : de plus, l’homme qui va d’une occupation à une autre perd toujours un peu de son activité. Il n’est guere animé en commençant, &, comme on dit, son esprit n’y est pas encore : pendant quelques instans, il niaise plus qu’il ne travaille. L’habitude de la paresse & de l’indolence, que contractent naturellement & comme par nécessité les ouvriers de la campagne obligés à chaque demi-heure de changer d’ouvrage & d’instrumens, & d’occuper leurs mains de vingts manières différentes chaque jour de leur vie, les rend presque toujours lâches, mous, incapables de toute application vigoureuse, même dans