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LA CORVÉE

bles dépassent le toit pointu et l’ornent de deux énormes bouquets. Mais ce n’est pas le moment de la contemplation ; la Corvée est déjà commencée. Autant de bruits secs, autant d’épis cassés, qu’une main lance aussitôt dans le petit sentier. Cric, crac… j’ai fait ma première « casse ». C’est gentil, un épi ! À voir la mèche brune qui le surmonte, on croirait qu’une frimousse se cache derrière l’enveloppe verte. Tirons donc une feuille pour voir… Qu’est-ce qui a robes par-dessus robes ? Pas rien que l’oignon, je vous jure ! Mon épi en a trois, quatre, cinq, combien donc ? Oh ! quel joli sourire font ces rangées de grains blancs, pareils à des dents ! Tiens, c’est tout chaud sous ces feuilles ; le soleil a caressé l’épi avant moi ; les fils vert tendre qui le remplissent sont tièdes comme, sur une nuque, des cheveux fins. Mais, voyons, ce n’est pas le moment de contempler, ai-je dit… Et cric et crac, je casse, ils cassent, nous cassons. De partout, les épis volent, les épis tombent ; on dirait qu’un prestidigitateur jongle avec le blé d’Inde de « Vieux-Temps ». Cependant, le soleil baisse toujours ; dans le grand jardin il y a pour tout bruit le froissement du feuillage et, à intervalles, un froufroutement prolongé : ce sont les vingt pigeons blancs de Charlemagne