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LA CORVÉE

épis, et prépara un « bouilli ». Quel air de fête eut à midi la table de « Vieux-Temps » ! Il n’y brillait certes pas de cristaux autour d’un surtout ciselé mais la nappe blanche et rouge était immaculée, et dans maints petits plats, tous les trésors du jardin s’étaient logés : c’étaient les tranches rosées des tomates sur la verte laitue, les betteraves pourpres, l’or pâle du céleri… Et, sur tout cela, un clair soleil et le sourire de notre hôtesse régnaient. Bonne Madame Cadorette, je la vois encore nous servir… Son bouilli, nous le vanta-t-elle ! ! ! ! « C’est du bœuf de par icitte, avec une belle brique de lard au travers, des carottes de chez nous ; y a aussi dix beaux p’tits paquets de fèves, un par personne… Mangez… mangez… y a qu’ça de plaisir dans le monde ! » Pauvre femme, on pourrait la croire bien terre-à-terre ; pourtant, une fois les repas donnés aux autres, elle s’assied, fourbue, au coin de la table de sa cuisine, pour ne manger à la pointe de son couteau que des restes refroidis.

Avons-nous vraiment consommé ce monceau de blé-d’Inde qu’elle apporta, depuis les épis laiteux à la fine saveur jusqu’aux « fleuris » que préfère Charlemagne ? Sainte pénitence, vous étiez loin ! C’est la faute de Madame Cadorette, après