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LES FOINS

coudes leurs bras bronzés, se ruent avec une sorte de furie sur le pré roux, de l’herbe jusqu’à la ceinture. Courbés, solides sur leurs jambes ouvertes, ils accélèrent comme avec rage le mouvement rythmé du torse de droite à gauche et, à chaque élan la faulx vole au bout des bras tendus ; l’arme champêtre siffle dans l’air sous un ahan furieux et plonge aussitôt dans la masse opiniâtre des foins. Les herbes s’affaissent sur toute la largeur de la prairie et, derrière les faucheurs, les andains bruissant à la chaleur du jour, s’étendent en longues couches moelleuses.

Cependant le soleil a dû raccourcir de milliers de lieues le trajet qui sépare son orient de son couchant ; on dirait qu’il a fait un détour pour aller se cacher plus vite derrière le rideau de la forêt. André lève la tête et mesure, un instant, du regard, l’étendue du foin qui reste encore à faucher. Le fils du père Duval semble faiblir à la besogne.

Les hommes qu’il dirige, eux aussi, n’ont plus l’ardeur du matin. Quand ils s’arrêtent pour aiguiser leur faulx ils s’appuient plus fort sur le manche crochu de l’outil ; la pierre grise se promène avec plus de lenteur sur la lame et sonne moins haut dans l’air la trempe souple de l’acier.