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LA CORVÉE

Il manque une âme à la corvée.

* * *

Voilà que tout à coup, du côté est de la prairie, un homme accourt venant de la ferme ; d’un geste souple, il enjambe la clôture et saute dans le pré. D’un bond, il parvient à la file des faucheurs et, s’emparant de la faulx de l’un d’eux qui, rendu à bout, s’était arrêté, il la plonge et replonge avec de grands mouvements dans la chevelure d’or de la prairie.

L’homme est tout de khaki vêtu et des boutons d’or sur sa poitrine luisent comme des étoiles aux rayons du soleil déclinant. Autour de lui les andains s’affalent si rapidement qu’ils sont couchés sur le sol les uns presque par dessus les autres. Penché jusqu’au niveau de la cime des plus hauts épis de mil, les deux jarrets nerveux busqués en angle prononcé, l’homme avance presque au pas de course dans le sentier odorant que trace sa faulx dans les foins ; l’instrument entre ses poings tourne en rond avec une vitesse comme faucherait la langue d’un bœuf affamé ; déjà, il a dépassé cinq des faucheurs et les zigzags clairs et réguliers de sa faulx volent vers André.

Les hommes, étonnés, un instant se sont