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LES FOINS

Il ne reste plus qu’une mince lisière d’herbe debout avant que les tâcherons n’arrivent au ruisseau qui marque la limite du travail de la journée.

Le soleil, à ce moment, est juché sur une cime d’arbre et on dirait qu’il va s’arrêter, un instant, pour regarder les faucheurs donner leur dernier coup de faulx… Mais, sans doute, fatigué de sa longue course, il s’endort trop et il ne prend pas le temps d’attendre jusqu’au bout.

L’astre ne prit pas le temps d’attendre et, pourtant, ce ne fut pas long. À peine eut-il disparu que le dernier faucheur jetait par terre la dernière fauchée blonde. Aussitôt la nuit tomba sur les champs comme un vol de plumes noires.

Alors, dans toute l’étendue de la prairie, des grillons se mirent à jouer des cymbales en sautant de joie de moyette en moyette ; l’air s’embauma de toute l’odeur du foin coupé du jour et, tout-à-coup, on vit la lune grimper sur un petit nuage qui flottait au ras de l’horizon et regarder aussi loin qu’elle pouvait dans la campagne.

La lune vit tous les faucheurs et les femmes autour de Paul et elle éclaira le groupe d’une lumière laiteuse qui blanchissait la prairie, alentour ; elle vit Paul parlant avec volubilité tout en serrant des mains.