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LA CORVÉE DE L’ÉRABLE

travail seul faisait trêve, mais où le vice et la misère s’agitaient toujours dans la nuit montante, le père et le fils étaient en face l’un de l’autre, retranchés dans leur orgueil et le souvenir du passé. Jacques hésitait entre la vieille colère qui lui remontait au cœur comme un mauvais levain, et son amour — ancien aussi — pour la chair de sa chair ! Se détournerait-il avec dégoût du renégat de la terre, ou bien son cœur de père et sa foi de chrétien lui arracheraient-ils le pardon ?

Aux heures de désastre familial, l’enfant reste encore la ressource suprême, son front pur est le terrain neutre où l’on peut dans un baiser, exhaler ses rancœurs. Jacques le sentit. Brusquement il enleva dans ses bras le petit que la surprise avait empêché de suivre sa mère, le baisa, tremblant, en lui disant tout bas :

— Embrasse ton grand-père !…

Puis d’une voix tranquille où il n’y avait plus d’orgueil, mais seulement de la pitié et de l’amour, il ajouta, comme s’il se fût agi d’une chose toute simple et résolue à l’avance :

— Donc, Arthur, c’est entendu, tu reviens chez nous !

La misère et la désillusion sont de terribles dissolvants pour l’orgueil humain. Arthur avait