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TERRE-NEUVE ET FIANÇAILLES

défrichent en ce moment et c’est parce qu’ils l’aiment avec passion. Le rythme impressionnant des strophes se fait plus lointain et plus doux ; là-bas, dans la petite école, les notes ont fini de vibrer tandis qu’ici elles remuent délicieusement les cœurs.

Sous un soleil ardent l’ouvrage bat son plein. L’ambition stimule les gens de la courvée. Qui sera vainqueur ? C’est un honneur que chacun envie. D’ailleurs, on se hâte pour terminer avant la brunante, et puis, la faim se fait pressante, on songe à ces bonnes choses qui attendent sur les tables déjà mises… Et les unes après les autres, suprême résistance, les vieilles souches se cabrent vainement ; toutes finissent par s’affaler dans des jets de poussières que la brise emporte avec l’odeur forte de la poudre noire et le parfum exquis de la terre qu’on ouvre. Les trois équipes se suivent de près ; on parle peu et par mots brefs, en phrases hachées comme l’essoufflement des chevaux qui tirent à plein collier.

Les vieux, Grenon et Landry, deux vétérans du sol, sont au comble de la joie : il faut avoir défriché pour bien savourer cette satisfaction intense des faiseurs de terre. Tous deux se baissent d’instinct, ils palpent l’argile humide, riche de