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LA CORVÉE

Sept hommes sont à l’œuvre : ils comblent la fosse, scient deux billes à bardeaux, saines jusqu’au cœur, et trament ce qui reste de la souche vers la clairière ; c’est le premier jalon de la clôture d’embarras. Les détonations se succèdent, tantôt aiguës comme les rapides crépitements de la flamme, tantôt sourdes comme le roulement lointain du tonnerre. Les coups de haches que les échos des bois redisent longuement, le sanglot des fibres qui se déchirent, le bruit sec des racines qui se cassent, les nuées de terre qui flottent dans l’air enveloppant tout d’un voile obscur, cet ensemble offre le spectacle d’une activité fébrile en même temps qu’étrange.

Vers deux heures de l’après-midi, Pierre avec l’aide de sa petite sœur passe le vin ; on prend à la hâte une légère collation. Et dans l’accalmie de ce repos, voilà que de la petite école française, à quelques arpents plus loin, arrivent portées par les voix fraîches des élèves, les mots graves de l’hymne bien connu :

Ô Canada, terre de nos aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux…

On écoute ces accents pieux à la gloire de la terre natale. Terre de souffrances et d’énergies ! Ils la