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LA CORVÉE

depuis trois jours : c’est le repas de la courvée. Les trente défricheurs attablés mangent plus qu’ils ne parlent et le tintamarre des assiettes heurtées par les cuillères domine cette première partie du souper. Cependant la grosse faim apaisée, le vin aidant, on finit par s’interpeller d’un bout à l’autre de la table. Le rire est joyeux comme le cœur est sincère ; c’est la joie naïve et douce qu’engendre le travail des champs. Le père Grenon coule un œil vers Pascal et Jeannette. Il semble soucieux… pourtant, par un effort de volonté, le voilà qui se lève ; vraiment une bonne souche lui pèse moins que ce petit discours-là ! Jeannette regarde Pascal et dans ce seul regard lui exprime tout son amour. Le silence s’est fait jusqu’au fond du fournil ; les voisines, curieuses chuchotant d’éternels secrets, s’encadrent dans les portes et sous la clarté vacillante de la lampe suspendue, le vieil habitant promet sa quatrième fille en mariage. C’est une scène digne des temps les plus reculés. « Mes amis, » commence-t-il, essuyant la sueur qui coule de son front, « vous savez que Pascal Viau a fait la grand’demande ; j’ai voulu lui répondre ici ; je ne refuse pas. Jeannette non plus, je crois. Pascal est vainqueur : voilà sa récompense. » Un tonnerre d’applaudissements ébranle la maison de la cave