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LA CORVÉE

planchers ignorent les tapis turcs et, dans les vastes pièces, aucun plafonnier d’albâtre ne pend à des poutres émaillées. C’est le bon vieux temps et ses charmes discrets : porte pleine au heurtoir de fer forgé, catalognes claires et proprettes, humble lampe sur la cheminée. Lorsque, dans ma toilette moderne, j’entre sous ce toit séculaire, je me sens un véritable anachronisme, tandis que Madame Cadorette, avec sa robe de simple percale, ses cheveux en bandeaux et son langage archaïque, doit rappeler aux murs de sa maison la paysanne normande ou picarde qui, jadis, pendit un jour la crémaillère dans la vaste cheminée.

Malgré la grande affinité qui existe entre « Vieux-Temps » et sa maîtresse, Madame Cadorette n’y est pas heureuse. Quand je lui exprime l’envie que me causent et sa maison pittoresque et le grand jardin d’où, par les jours de beau temps, l’on voit une Laurentide bleue se profiler au-dessus des sapins, elle hausse les épaules et répond : « Si vous aviez vu notre terre ! »… Quel ton d’infini regret ! Ce paradis perdu, dont le souvenir hante ma vieille amie, est une ferme de Sainte Anne des Plaines, entourée de cette terre canadienne noire et forte qui fait les champs opulents si admirés au cours de nos randonnées en auto. Mais ce n’est