Page:Société agricole et scientifique de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1879-1880, Tome 2.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

UN PROCÈS AU XVIIIe SIÈCLE
À PROPOS DU SAUMON DE LA LOIRE



Au moment où le Conseil d’État vient d’être saisi récemment par le Ministre des Travaux publics d’un projet de loi sur le régime des eaux, il est bon, même dans les études d’économie publique, d’interroger l’histoire et de se demander si les questions qui s’agitent aujourd’hui ont attiré l’attention de nos devanciers et à quel point de vue ils les avaient résolues. En présence des difficultés qu’opposaient aux meilleures intentions les droits et privilèges seigneuriaux de l’ancien régime, il est instructif de connaître sur ce point toutes les phases d’un procès intenté en 1719 par les chartreux de Brives, près le Puy, au seigneur de Saint-Victor-en-Forez, relativement à une digue élevée par lui sur la Loire et qui ne permettait plus au saumon de remonter facilement ce fleuve. Ce barrage avait pour objet de pêcher le poisson au passage, au grand détriment des populations établies en amont, et en particulier des chartreux, grands amateurs de ce mets succulent. Les poissons, dès la plus haute antiquité, jouaient un rôle important dans l’alimentation publique.

Les Romains surtout chargeaient leurs tables de murènes, d’esturgeons, de lamproies, etc., et Juvénal nous a transmis le souvenir du turbot apprêté à la sauce piquante, à la suite d’un sénatus-consulte rendu sur l’ordre de Domitien. De nos jours, diverses peuplades de l’Océanie et des régions polaires sont exclusivement ichthyophages. Avant la Révolution, le poisson de choix entrait, pour