Aller au contenu

Page:Société agricole et scientifique de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1879-1880, Tome 2.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
mémoires

structure, se tenait à cheval sur le Velay et le Forez : ses maîtres eurent toujours les instincts aventureux, l’humeur batailleuse des races de confins et de frontières. Placés en vedette et, pour ainsi dire, en sentinelle au point de rencontre des deux provinces, les Rochebaron étaient sans cesse conviés par leur poste intermédiaire à quitter leur gîte d’origine, à courir les grands chemins. On remarque, en effet, chez la plupart de ces intrépides batteurs d’estrade, un goût assez rare dans les vieilles lignées féodales : le goût de l’émigration ; ils se dépaysaient facilement ; on les voit partout, en Flandre, en Bourgogne, dans le Lyonnais, dans le Forez, en Auvergne, en Gévaudan, au Puy, à la Tour-Daniel, au Pont-de-Lignon, et partout ils se taillent, de gré ou de force, une place de choix. Ces habitudes cosmopolites infligent même à leur physionomie héréditaire un cachet visible d’indifférence politique. Ils changent volontiers de drapeau et servent toutes les causes, selon les caprices ou les hasards de leur inquiète fortune. Le routier, le condottiere, l’homme de proie abondent dans leur histoire.

Le véritable foyer, le point de ralliement des diverses branches des Rochebaron, éparses au nord, au centre et à l’est de la France, semble avoir toujours été la forteresse de Bas. Là résidait le chef de la famille, mais de bonne heure le manoir patrimonial fut trop étroit pour contenir et retenir ces nombreuses couvées, qui, grâce aux facultés prolifiques d’une race robuste, devenaient à chaque génération plus drues et plus remuantes. Ces barons du vieux temps n’avaient point deviné du tout les théories des Malthus et des Schopenhauer. Ils se mariaient à outrance : ils se multipliaient, provignaient et essaimaient à plaisir. Que faire de tous ces enfants, bien venus, éveillés, énergiques, aux dents longues, aux appétits précoces, sinon des hommes de cape et d’épée ? Pour ouvrir une carrière à cette jeunesse, il fallait, de temps à autre, baisser la herse et lâcher à travers pays écuyers et damoiseaux, armés à la fois d’une escarcelle légère et d’une vaillante flamberge.

L’un des plus beaux livres de notre vieille littérature — L’His-