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de Croustet. Nos orfèvres, si habiles, de Velay et de l’Auvergne ne pouvaient manquer d’utiliser ces richesses locales. Ils en ornaient les bijoux de leur fabrication, bijoux qui se répandaient un peu partout. Les inventaires des joyaux des rois, des princes, des grands personnages du moyen-âge et de la Renaissance témoignent, en effet, de l’emploi de nos gemmes. Le roi Charles VI, notamment, possédait quelques bijoux qui en étaient ornés[1].

Vers le commencement du XVIIe siècle plusieurs même de ces orfèvres se qualifiaient de « maîtres lapidaires ». Nous citerons : Pierre Blanc en 1601, et Guyot Delicques en 1626. Ne serait-on pas en droit d’affirmer, sans s’éloigner de la vérité, que ces artisans recherchaient nos pierres fines et les mettaient en état d’être montées ?

Cependant il faut bien le reconnaître, comme ces pierres, malgré ce qu’en dit le quatrain de N.-D., ne pouvaient se comparer par leur limpidité, par leur éclat avec celles de l’Orient, et qu’elles leur étaient de tout point inférieures, elles n’eurent jamais une grande valeur. Une dimension au-dessus de l’ordinaire les rendait pourtant parfois de bonne défaite, sans cependant leur donner cette valeur idéale des pierres de l’Orient avec lesquelles on voulait les comparer. En première ligne venait le saphir, cette pierre inestimable qui a, si l’on en croit le marchand orfèvre parisien, Robert de Berquem, le pouvoir de « concilier à celui qui la porte les bonnes grâces et la faveur de tout le monde ». Malgré ce privilège inappréciable, le saphir, dans sa perfection extrême, ne vaut que le quart d’un rubis du même poids. D’après le même connaisseur, le saphir du Puy « d’une grosse couleur tirant sur le vert » ne pouvait se comparer à celui de l’Orient « à la couleur bleu céleste, c’est-à-dire, d’un azur excellemment beau[2] ».

  1. Douet d’Arcq, Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, t. II, pag. 279.
  2. Les Merveilles des Indes, traité des pierres précieuses. Paris, 1661, in-4o, pag. 18 et 20.