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Page:Société agricole et scientifique de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1883-1885, Tome 4.djvu/61

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mémoires

lui demandai comment il s’y prendrait si on l’attaquait jamais sur des produits défectueux : « Les médecins, me dit-il, ne savent pas la chimie (sic) et ne vérifient pas ; d’ailleurs nous renverrions au fabricant en grand ». — Et si, lui dis-je, le fabricant disait qu’il a donné une qualité inférieure parce vous lui avez demandé une qualité inférieure, que répondriez-vous ? — « Ces choses-là, me répondit-il, ne sont jamais arrivées et n’arriveront jamais en province. Les médecins se fient toujours aux résultats cliniques. Si ceux-ci sont bons, malgré que le médicament soit de mauvaise qualité, ils ne recherchent pas. S’ils sont mauvais, ils l’attribuent autant à une idiosyncrasie du malade ou à une erreur de diagnostic qu’à la défectuosité du remède, et s’ils viennent, par hasard, à suspecter le médicament, on n’a qu’à leur assurer qu’aucune erreur n’a été commise ; la difficulté des analyses chimiques, l’inconvénient d’avoir recours à des experts, les tracas et soucis d’un procès, l’impossibilité d’atteindre le fabricant en grand, les font toujours reculer. On ne pourrait attaquer qu’en cas d’empoisonnement, mais il ne s’en produit jamais, car les produits pêchent plutôt par faiblesse que par excès de force. »

Il est certain que le raisonnement de mon ami le pharmacien était assez juste. En réalité, la valeur des médicaments de cette catégorie réside uniquement dans la pureté des sources auxquelles un tiers inconnu a recours. Le médecin ne peut, en aucun cas, exercer aucun contrôle sur la valeur de la marque du fabricant, connue seulement du pharmacien. De plus, celui-ci peut changer de fabricant ou en avoir plusieurs pour la fourniture des mêmes produits. Ceci explique les différences, en apparence si extraordinaires, qu’on observe entre les médicaments fournis à des époques différentes par un même pharmacien ou, à la même époque, par des pharmaciens différents.

Quant au malade, quel est son recours en cas de mauvais médicament ? Il accuse son médecin de n’avoir pas connu sa maladie, et tout est dit. Le résultat final, suite d’une médication défectueuse, est que le malade meurt ; le médecin voit son prestige