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L’UNIVERSITÉ DE PARIS SOUS PHILIPPE-AUGUSTE

dynastie en festoyant et en dansant sept jours et sept nuits sans s’arrêter[1].

La réputation de l’Université parisienne est si bien établie qu’en 1205, le premier empereur latin de Constantinople, Baudouin de Flandre, supplie le pape de faire tous ses efforts pour décider des maîtres de Paris à venir dans l’empire réformer les études. Innocent III écrit à l’Université (universis magistris et scolaribus Parisiensibus )[2] pour lui montrer combien il serait important que cette Église grecque, réunie enfin, après une longue séparation, à l’Église latine, pût bénéficier de leur zèle et de leurs lumières. Il les invite même à émigrer en masse (plerosque vestrum) vers l’Orient, leur ouvrant, les perspectives les plus alléchantes. La Grèce, à l’entendre, est un vrai paradis, « une terre remplie d’urgent, d’or et de pierres précieuses, où abondent le vin, le blé et l’huile ». Malgré de telles promesses, les docteurs de Paris ne paraissent pas avoir quitté en nombre le Petit pont et la Cité pour aller « lire » sur le Bosphore. Douze ans après, le pape Honorius III leur adresse encore une invitation du même genre[3] ; mais il s’agissait d’aller moins loin, dans le Languedoc, semer la bonne doctrine, sur la terre arrosée du sang des Albigeois.

L’Église est fière de sa grande école, immense séminaire où se fournissent la France et l’Europe. Cependant un certain groupe d’ecclésiastiques, esprits sévères ou chagrins, ne cédait pas à l’enthousiasme général. Voyant surtout les dangers de cette énorme agglomération de clercs dans une capitale, ils dénonçaient l’abus de la science et les périls que courait la foi au milieu de cette jeunesse cosmopolite, ardente à tout savoir et à tout discuter. Entre 1192 et 1203, Étienne de Tournai signale au pape « la maladie qui s’est glissée peu à peu dans le corps universitaire » et deviendra incurable, si l’on ne se hâte pas d’y porter remède[4].

Le premier symptôme du mal, d’après lui, est l’abandon de l’ancienne théologie. Les étudiants n’applaudissent plus que ceux qui leur apportent du nouveau (solis novitatibus applaudant) et les professeurs songent plutôt à se faire de la réclame par ce moyen qu’à

  1. Guill. le Breton, ibid., p. 297 : « Parisiani vero cives et universa scolarium multitudo incomparabiliter omnibus aliis… ipsi regi obviam procedentes, quanta esset in animo lætitiæ gestis exterioribus declarabant, nec sufficiebat eis de die taliter exsultare, immo de nocte septem noctibus continuis, maxime scolares cum maximo quidem sumptu convivia, choros, tripudia, cantus, indefesse agere non cessabant.  »
  2. Chartul. Univ. Paris., no 3.
  3. Ibid., no 25.
  4. Ibid., p. 41.