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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

rester dans la vraie tradition. « Tous leurs efforts tendent à caresser, à retenir, à séduire leurs auditeurs ». Et le censeur s’élève contre cette dialectique impitoyable qui s’exerce sur les dogmes, sur les mystères les plus sacrés de la religion. « Des bavards en chair et en os (verbosa caro) discutent irrévérencieusement sur l’immatériel, sur l’essence de Dieu, sur l’incarnation du Verbe ! On entend dans les carrefours, des raisonneurs subtils couper la Trinité indivisible ! Autant d’erreurs que de docteurs, autant de scandales que d’auditeurs, autant de blasphèmes que de places publiques ».

Ce conservateur exagère ici, sensiblement, pour les besoins de la cause, mais les expressions qu’il emploie sont intéressantes. Elles prouvent, avec d’autres témoignages, que les professeurs de ce temps n’étaient pas logés dans des palais. Il n’y avait même pas toujours de locaux universitaires. Les maîtres faisaient leurs leçons chez eux, devant les élèves assis par terre, ou, en hiver, sur la paille. Comme les maisons étaient petites, ceux qui voulaient un nombreux auditoire ouvraient leur école en plein vent, dans les seuls endroits un peu larges, aux carrefours, et sur les places.

Étienne de Tournai est indigné surtout de ce qui se passe dans l’enseignement des arts libéraux. Il y a des maîtres-ès-arts beaucoup trop jeunes : « ces adolescents bien peignés ont l’impudence d’occuper des chaires magistrales ; il n’ont pas de poil au menton, et les voilà assis à la place des hommes mûrs. Eux aussi, ils écrivent des manuels, des sommes, compilations mal digérées, humectées mais non pas nourries du sel philosophique ». La conclusion du plaignant est que tous ces abus ont besoin d’être corrigés de la main du pape. Cette organisation irrégulière et désordonnée de l’enseignement doit être ramenée à des règles fixes et au respect de la tradition. « Il ne faut pas que les choses divines soient ainsi avilies et livrées en proie au vulgaire. Il ne faut pas qu’on entende, au coin des rues, crier par celui-ci ou par celui-là : voilà le Christ, il est chez moi ! Que la religion ne soit pas jetée en pâture aux chiens et les perles aux pourceaux ».

Beaucoup de prédicateurs contemporains sont du même avis. Alain de Lille compare les universitaires qui subtilisent, sans trêve. sur la dialectique, à des « grenouilles parlantes ». Geoffroi de Troyes traite les grammairiens et leurs écoliers, de bêtes de somme et d’ânes, jumenta sunt vel asini. L’abbé de Saint-Victor, Absalon, attaque ouvertement ceux qui s’occupent d’autre chose que de connaître l’homme et Dieu : « Nos écoliers, gonflés d’une vaine philosophie, sont heureux, quand, à force de subtilités, ils ont abouti à