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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

UN COURS DE NUMISMATIQUE
AU COLLÈGE DES SCIENCES SOCIALES[1]

M. Prou, bibliothécaire au département des médailles et antiques de la bibliothèque nationale, a inauguré au Collège libre des sciences sociales, que dirige avec tant d’autorité le docteur E. Delbet, un cours de numismatique. Cette science n’a donné lieu jusqu’ici qu’à de très rares conférences, bien loin qu’elle ail pris place dans l’enseignement. La connaissance des monnaies est cependant indispensable à l’historien. Car les renseignements que ces monuments fournissent à la chronologie, à l’histoire de l’art, à celle des institutions, et surtout à l’étude du développement économique des différents peuples sont nombreux et variés ; ils tirent une particulière valeur de leur précision.

En consacrant ses deux premières conférences (des 3 et 16 mars derniers) à l’histoire du droit de monnaie du IVe au XIIIe siècle, M. Prou a cherché à montrer le parti qu’on peut tirer du rapprochement et de la combinaison des monnaies avec les documents écrits.

Le droit de monnaie, à partir de Dioclétien, appartint exclusivement à l’empereur, à qui était réservé le privilège de faire transformer les métaux en espèces monétaires, dont il fixait le litre, le poids et la valeur. Les rois barbares qui s’établirent dans les limites de l’empire n’eurent garde de laisser échapper un droit dont le fisc royal tirait profit. Comme des monnaies frappées à leur nom, n’auraient pas été acceptées sur les marchés, ils se bornèrent à contrefaire les pièces impériales.

Ce n’est qu’au milieu du VIe siècle que Théodebert, chez les Francs, et à la fin du même siècle, Léovigild, chez les Wisigoths, osèrent substituer leur nom à celui de l’empereur sur les monnaies d’or ; car l’empereur était particulièrement jaloux de son droit d’effigie sur ces espèces. Mais le maintien de la figure impériale sur les monnaies d’or n’avait aucune portée politique et n’était nullement la conséquence d’une suzeraineté exercée par l’empereur à l'égard des rois barbares. Les rois francs abandonnèrent peu à peu la fabrication des monnaies à des gens de métier, les monetarii, qui percevaient les profits du monnayage, et qui, au cours du VIIe siècle, échappèrent en partie au contrôle de l’autorité publique. Les rois négligèrent même de signer les espèces. Les officines se multiplicrent. De là un désordre considérable dans le système monétaire, une variété infinie dans le poids et le titre des monnaies ; de telle sorte qu’au VIIIe siècle, celles-ci n’étaient plus reçues qu’au poids, au moins pour les gros paiements. Le droit de monnaie avait cependant conservé son caractère régalien : mais il était sans effet pratique pour le souverain. La fonction monétaire était restée théoriquement et en prin-

  1. Compte rendu d’un auditeur (N. de la Réd.).