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UN COURS DE NUMISMATIQUE

cipe le privilège du roi, Pépin, et surtout Charlemagne, rendirent à ce droit toute sa valeur ; ils ressaisirent dans son intégrité l’exercice du droit de monnaie.

Et d’abord Pépin reprit la signature des espèces. Le souverain carolingien, sous Charlemagne et Louis le pieux, a sur les monnaies le droit le plus étendu ou du moins il y prétend : il fixe le titre, le poids et le type des monnaies ; il en surveille la fabrication, il décrie les monnaies qu’il veut faire tomber d’usage et donne cours aux nouvelles ; il poursuit et punit les faux-monnayeurs. Mais il délègue ses pouvoirs aux comtes dans les diverses cités. La moneta fait partie du comitatus, si bien que lorsque les comtes rompent les liens qui les rattachent au pouvoir central et se rendent propriétaires de leurs fonctions, la monnaie échappe au roi avec le comitatus. Dès la fin du IXe siècle, dans la plupart des cités, la monnaie était passée dans le dominium et sous la potestas du comte. Telle est l’origine des monnaies dites baronales. Il est donc inexact de dire que sous le régime féodal le droit de monnaie était un droit seigneurial ; c’est tout au moins ne pas s’exprimer avec assez de précision. Ceux-là seuls parmi les seigneurs eurent le droit de monnaie qui étaient les successeurs des comtes carolingiens. Les rois avaient eux-mêmes contribué au démembrement du droit régalien de monnaie par les concessions qu’ils avaient faites à certaines églises, d’abord au IXe siècle, du droit d’exploiter les officines royales de monnaies, puis au Xe siècle, du droit de frapper des monnaies à leur marque particulière.

Au Xe siècle, chaque atelier a acquis son indépendance. Hugues Capet devenu roi ne frappa monnaie que dans les localités où il avait exercé le comitatus avant son avènement au trône. Il n’y a plus au Xe siècle de monnaies royales. Ce qui distingue une monnaie royale c’est son uniformité dans toute l’étendue d’une souveraineté ; c’est aussi qu’elle a cours partout où le roi exerce son pouvoir. La monnaie royale ne reparaît que sous Philippe-Auguste ; encore n’a-t-elle cours forcé que dans le domaine royal. Et lorsque le roi veut en imposer l’usage dans le domaine d’un seigneur qui a le droit de monnaie, il ne le peut qu’en concluant avec lui une convention et en lui délivrant une charte de non-préjudice.

Par ce procédé, Philippe Auguste répandit ses monnaies parisis et tournois au delà des limites de son domaine ; il ouvrit la voie à saint Louis et Philippe-le-Bel qui rendirent au droit de monnaie son caractère régalien. Mais tandis que saint Louis trouva dans les institutions de son temps et sans violer les droits reconnus aux seigneurs ni les coutumes du royaume, le moyen de faire accepter ses monnaies dans toute la France, et mème de s’ingérer dans la réglementation du monnayage seigneurial, Philippe-le-Bel, moins soucieux des droits acquis, plus pressé d’arriver à ses fins, harcelé par les besoins de son Trésor, inaugura Île régime du bon plaisir, et fit poser par ses légistes un principe qui, tout légitime qu’il fût, apparaissait aux seigneurs contemporains — oublieux de l’usurpation qui était à l’origine de leur droit — comme un abus de pouvoir : « Au roi seul appartient et de son droit royal de faire monnaie, et à nul autre », principe qui nous ramène au point de départ, c’est-à-dire au caractère régalien du droit de monnaie, à un principe du droit public romain.