Page:Société des amis des sciences, de l’industrie et des arts de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1878, Tome 1.djvu/495

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
mémoires

le phylloxera ; pleine de dangers certainement si nous sommes vainqueurs et si nous parvenons à prouver par des faits que les vignes françaises peuvent encore être guéries. Il s’agit de la substitution des vignes américaines à nos variétés indigènes. Ici, Messieurs, je serai long, très-long, mais il s’agit d’une question tellement importante, tellement controversée, que je ne crois pas pouvoir faire autrement ; je vous en demande pardon.

Pourquoi substituer les vignes américaines aux vignes françaises ? Parce qu’elles vivent avec et malgré le phylloxera ; parce que, grâce à leur vigueur, à la contexture plus dense de leurs racines, elles résistent à ses attaques incessantes, et que plante et insecte peuvent exister côte à côte sans inconvénients. Certes, lorsque l’expérience aura bien établi ces faits, il y aura déjà là une forte présomption en faveur des vignes exotiques, et on comprend que le Midi dévasté dès le début, voyant échouer tous les moyens plus ou moins bien employés, comme il devait arriver nécessairement au début d’une maladie jusque-là inconnue, se soit raccroché avec ardeur à cette branche de salut. Les hommes sérieux, les savants, les hommes qui cherchent par tous les moyens possibles le bien de leur pays, ont fait et font encore chaque jour des essais raisonnés ; à ceux-là toute ma considération, toute ma confiance ; j’attends, tout en essayant de soutenir la lutte par d’autres moyens. Mais derrière cette cohorte respectable, même fût-elle dans l’erreur, s’est précipité la cohue des spéculateurs. Tout fragment de sarment américain, et il s’en produit des quantités énormes, a eu sa cote. Toute bouture a pris une valeur considérable, tout plan enraciné est devenu un lingot d’or. Encouragés par cet enthousiasme qui caractérise nos populations méridionales, les marchands de plans américains ont fondé des journaux, ont répandu des brochures à profusion, ont eu des congrès ; et tel propriétaire qui faisait annuellement pour 15,000 francs de vin, vend aujourd’hui pour 20,000 francs de sarments. La fièvre de la spéculation est à la vigne américaine.