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ment ; après cela, il n’a plus que faire de Dieu », mais c’est en même temps le grand mathématicien inventeur, avec Fermat (qui laissé son nom à de célèbres théorèmes d’arithmétique), du Calcul des probabilités, celui dont les expériences (faites à l’instigation de Descartes) démontrent que l’air est pesant, permettent de créer le baromètre. Il est en même temps l’inventeur de la brouette, de la première machine à calculer.

La métaphysique de Descartes est à l’origine des œuvres de Malebranche et surtout des grands systèmes philosophiques de Spinoza et de Leibniz, qui dépassent déjà le dualisme que nous avons vu exister dans le système cartésien entre l’esprit et la matière. Par là il a donné à la pensée française un rayonnement universel.

Mais, du vivant même de Descartes, ce dualisme entre esprit et matière, cette concession en somme qui était faite à la religion, avait été critiquée par Pierre Gassendi (1592-1655). Fils de pauvres paysans, il devint chanoine, puis prieur à Digne. Il avait commencé par une critique violente de la scolastique ; il se tourna alors vers les matérialistes de l’Antiquité tels qu’Épicure, qui avaient développé la conception atomiste de la matière. Dans Descartes, il critiqua, non la confiance en la raison, mais le fait que Descartes reconnaît que la pensée est à l’origine de tout, l’idée qu’il se fait de Dieu. Sa critique matérialiste devait préparer la voie au développement de la physique avec Newton, et au matérialisme français du siècle suivant.

Avec cet esprit de confiance dans la science qui caractérise la philosophie de Descartes, la science devait faire de grands progrès. Nous avons vu que Descartes lui-même, que Pascal enrichirent considérablement nos connaissances scientifiques. Avec eux, avec Fermat, avec le père Mersenne (1588-1648), qui jouait le rôle d’intermédiaire entre les savants à une époque où la presse scientifique n’existait pas encore, avec le géomètre Roberval, nous voyons là un monde scientifique d’une valeur exceptionnelle, constitué par toute une série d’hommes remarquables, qui, s’ils ne cultivent pour la plupart la science qu’en marge de leur profession, n’en sont pas moins les principaux fondateurs des mathématiques et de la physique modernes. C’est l’époque également où est construit l’Observatoire de Paris (1667-1672), qui attire les plus grands savants de l’époque. C’est l’astronome français Picard qui, en 1669 et 1670, fait la première mesure des dimensions de la Terre.

En 1628 est créé à Paris le Jardin du Roi, qui deviendra le Jardin des Plantes actuel. De nombreux botanistes l’illustrent, parmi lesquels Guy de la Brosse et Tournefort (1658-1708), qui classent soigneusement les plantes suivant leurs caractères distinctifs.

Toutes les sciences sont en progrès. Et l’étude de l’économie nationale n’échappe pas non plus à ce mouvement. La misère était grande dans le peuple, en contraste avec l’opulence des grands seigneurs. De grands et généreux esprits cherchent à comprendre la raison de cet état de choses et à prévoir les remèdes nécessaires. C’est Boisguillebert (1646-1714) qui est l’un des premiers économistes qu’ait possédé notre pays ; de nombreuses citations montrent l’étude approfondie que Marx en avait fait. Parmi les remèdes qu’il propose, il préconise la diminution des impôts indirects, la réforme