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qui suggère au jeune Pascal l’idée de l’expérience désormais fameuse du Puy-de-Dôme sur la pression atmosphérique. Il imagine de nouveaux instruments d’optique, de nouvelles machines, union vivante de la théorie et de la pratique.

Il fréquentait les artisans, désirait qu’on créât des musées pour eux où l’on exposerait tous les instruments mécaniques, et où l’on ferait des expériences afin de « leur rendre raison de toutes choses et leur donner du jour pour faire de nouvelles découvertes dans les arts. »

Il plaçait en effet sa confiance dans l’efficacité de la science, il prévoyait les machines qui « feraient qu’on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvaient ». « Il m’a été possible, écrit-il dans le Discours de la Méthode, de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie ; et au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. »

Descartes ne pouvait qu’appliquer ces grandes conceptions à la vie, à en découvrir les secrets. Il dissèque les animaux, étudie la circulation du sang telle que Harvey venait de la découvrir. Il se passionne pour la médecine, dans l’espoir d’éviter les maladies et de prolonger la vie de l’humanité. Il s’intéresse à l’anatomie du cerveau, écrit un Traité de l’homme et de la formation du fœtus. Ses études l’amènent à conclure que l’animal est dépourvu d’âme, qu’il n’est rien d’autre qu’une machine particulièrement perfectionnée. C’est ce qui est resté célèbre sous le nom de théorie de l’animal-machine. L’homme au contraire a une âme qui dirige le corps, et justement le problème des relations entre l’âme et le corps, entre la pensée et le cerveau, l’origine des passions humaines préoccupe particulièrement Descartes. C’est que bientôt, du vivant même de Descartes, et surtout au siècle suivant, avec La Mettrie, la théorie de l’animal-machine allait engendrer la théorie de l’homme-machine, l’homme comme l’animal étant dépourvu d’âme et assimilé à un simple mécanisme.


Importance et prolongements du cartésianisme

La pensée de Descartes domine son siècle. Même ses adversaires les plus acharnés subirent son influence irrésistible. Bossuet écrivait : « Je vois… un grand combat se préparer contre l’Église sous le nom de philosophie cartésienne… Il s’introduit, sous ce prétexte, une liberté du juger qui fait que, sans égard à la Tradition, on avance témérairement tout ce qu’on a pensé », mais sa pensée est toute imprégnée de cartésianisme. Pascal (1623-1662) apparaît comme un fougueux apologiste de la religion, qui écrivait : « Je ne puis pardonner à Descartes : il aurait bien voulu dans toute sa philosophie se pouvoir passer de Dieu, mais n’a pu s’empêcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouve-