Bible tronquée, dans ce contraste d’un commencement grandiose et d’une fin mesquine, il y a quelque chose qui me rappelle les destinées de la Russie si on les envisage au point de vue exclusivement nationaliste qui domine chez nous aujourd’hui et qui unit dans un accord tacite les Caïphes et les Hérodes de notre bureaucratie aux zélotes du panslavisme militant.
Vraiment quand je pense aux rayons prophétiques d’un grand avenir qui illuminèrent les débuts de notre histoire, quand je me rappelle l’acte noble et sage d’abdication nationale qui, il y a plus de mille ans, créa l’État russe, lorsque nos ancêtres voyant l’insuffisance des éléments indigènes pour organiser l’ordre social appelèrent de bon gré et de propos délibéré le pouvoir étranger des princes scandinaves en leur disant la phrase mémorable : « Notre pays est grand et fertile, mais il n’y a pas d’ordre en lui, venez dominer et régner chez nous ; » et après l’établissement si original de l’ordre matériel, l’introduction non moins remarquable du christianisme, et la figure splendide de saint Vladimir, serviteur fervent et fanatique des idoles, qui, après avoir senti l’insuffisance du paganisme et le besoin intérieur de la vraie religion, réfléchit et délibéra longtemps avant de l’accepter, mais une fois devenu chrétien voulut l’être pour tout de bon et non seulement s’adonna aux œuvres de charité en soignant les pauvres et les malades, mais se montra plus pénétré de l’esprit évangélique que les