Page:Soloviev - L'Idée russe.djvu/24

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incontestables que nous devons omettre ici ; sa parole seule nous suffira.


Notre Église du côté de son gouvernement apparaît comme une espèce de bureau ou de chancellerie colossale qui applique à l’office de paître le troupeau du Christ tous les procédés du bureaucratisme allemand avec toute la fausseté officielle qui leur est inhérente[1]. Le gouvernement ecclésiastique étant organisé comme un département de l’administration laïque, et les ministres de l’Église étant mis au nombre des serviteurs de l’État, l’Église elle-même se transforme bientôt en une fonction du pouvoir séculier ou tout simplement elle entre au service de l’État. En apparence on n’a fait qu’introduire l’ordre nécessaire dans l’Église, c’est son âme qu’on lui a enlevée. À l’idéal d’un gouvernement vraiment spirituel on substitua celui d’un ordre purement formel et extérieur. Il ne s’agit pas seulement du pouvoir séculier, mais surtout des idées séculières qui entrèrent dans notre milieu ecclésiastique et s’emparèrent à un tel point de l’âme et de l’esprit de notre clergé que la mission de l’Église dans son sens véritable et vivant leur est devenu à peine compréhensible[2]. Nous avons des ecclésiastiques « éclairés » qui prétendent que notre vie religieuse n’est pas assez réglementée par l’État, et ils demandent à celui-ci un nouveau code de lois et de règles pour l’Église. Et cependant dans le code actuel de l’Empire on trouve plus de mille articles déterminant la tutelle de l’État sur l’Église et précisant les fonctions de la police dans le domaine de la foi et de la piété.

Le gouvernement séculier est déclaré par notre code « le conservateur des dogmes de la foi dominante et le gardien du bon ordre dans la sainte Église ». Nous voyons ce gardien, le glaive levé, prêt à sévir contre toute infraction à cette orthodoxie établie moins avec l’assistance du Saint-Esprit qu’avec celle des

  1. Œuvres complètes d’Ivan Aksakov, tome IV, p. 124.
  2. Ibid., pp. 125, 126.