L’émancipation religieuse et intellectuelle de la Russie est un acte qui s’impose aujourd’hui à notre gouvernement avec autant de nécessité que l’émancipation des serfs s’imposait il y a trente ans au gouvernement d’Alexandre II. Le servage lui aussi était autrefois utile et nécessaire. De même la tutelle officielle imposée à l’esprit national de la Russie pouvait être bienfaisante quand cet esprit était dans son enfance ; elle ne peut que le suffoquer aujourd’hui. Il est inutile de répéter sans cesse, que notre organisme national est plein de santé et de vigueur, comme s’il fallait précisément être faible et malade pour pouvoir être étouffé. Quelles que soient les qualités intrinsèques du peuple russe, elles ne peuvent pas agir d’une manière normale tant que sa conscience et sa pensée restent paralysées par un régime de violence et d’obscurantisme. Il s’agit avant tout de donner libre accès à l’air pur et à la lumière, d’enlever les barrières artificielles qui retiennent l’esprit religieux de notre nation dans l’isolement et l’inertie, il s’agit de lui ouvrir le chemin droit vers la vérité complète et vivante.
Mais on a peur de la vérité parce que la vérité est catholique, c’est-à-dire universelle. On veut à tout prix avoir une religion à part, une foi russe, une Église impériale. On n’y tient pas pour elle-même, mais on veut la garder comme attribut et comme sanction du nationalisme exclusif. Mais ceux qui ne veulent pas