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Page:Sonnerat - Voyage aux Indes orientales et à la Chine, tome 2.djvu/25

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ET A LA CHINE. Liv. IV.

Les entraves que les Chinois mettent à toute liaison suivie entre eux et les étrangers, n'ont certainement d'autre cause que le sentiment de leur propre foiblesse ; s'ils eussent laissé établir les Européens parmi eux, ils n'auroient pas tardé à susciter par leur caractère méfiant & inquiet, des querelles qu'un petit nombre de ces hommes robustes & fiers auroit facilement terminées & prévenues pour jamais. Le gouvernement Chinois, comme celui de tous les peuples esclaves, est trop vicieux pour se rendre respectable par ses propres forces. Il ne paroit pas même s'en être jamais occupé ; & s'il ne le fait pas, ne doit-on pas en conclure que c'est par foiblesse ou impuissance ? Quant à ses lumières, à ses vertus, on sait qu'elles sont ordinairement les connoissances & les mœurs d'un peuple emprisonné par la politique dont on lui fait un mystère, tremblant sous les loix qu'il ignore & qui ne sont connues que des seuls lettrés, & frémissant à l'aspect du pouvoir dont il est forcé d'adorer le principe.

Je n'examinerai point si la Chine fut peuplée par une colonie Indienne ; mais je puis assurer hardiment qu'après les bouleversemens qu'essuya la terre, ce pays, coupé d'une infinité de rivières & de marécages, ne pût sans doute devenir habitable que long-tems après l'Inde & la Perse. La situation de ces derniers pays, favorisoit l'écoulement des eaux, tandis que l'autre n'a pu commencer à se dessécher qu'après une suite très-longue de siècles & d'années.

Il paroît que les premiers chefs élus par les Chinois, les gouvernèrent en pères de famille, & n'étoient ni Empereurs ni despotes ; mais insensiblement ils s'accoutumèrent à regarder le dépôt de la puissance comme une propriété personnelle.