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Page:Sonnerat - Voyage aux Indes orientales et à la Chine, tome 2.djvu/26

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VOYAGE AUX INDES

Aux sages loix de la Nature, ils en substituèrent d’arbitraires, & depuis plusieurs siécles on ne les approchent qu’avec crainte. Pour en imposer, ils éblouirent le peuple par leur magnificence, & se firent adorer comme fils de Dieu ; c’est par cette raison que l’Empereur est le grand Patriarche de la Nation, & le seul Juge des différends en matière de religion.

Il fallut des armées & des gardes pour conserver le pouvoir suprême toujours menacé par des rebelles qu’on traitoit de barbares & de sauvages, parde qu’ils vouloient un protecteur & non pas un Roi. Les revenus n’étant pas assez considérables, on multiplia les impôts & les taxes ; c’est ainsi que le peuple malheureux de la puissance d’un seul homme, perdit ses mœurs & son génie primitif pour tomber dans l’avilissement & l’oppression. Si nous remontons à l’origine des autres Nations, nous trouverons souvent la même série d’événemens : la tyrannie au berceau s’annonce sous les dehors de la bienveillance, on ne la reconnoît que quand on ne peut plus s’en garantir.

Avant que la rivière de Canton fut connue, & que les vaisseaux Européens abordassent à la Chine, les caravanes alloient chercher les productions du sol & de l’industrie, pour les distribuer ensuite dans toute l’Europe ; elles en retiroient des profits considérables, & l’on trafiqua de cette manière jusqu’à ce que les Portugais, maîtres de l’Inde, virent la nécessité de fonder le commerce maritime de la Chine : c’est en 1518 que leurs premiers bâtimens mouillèrent à Canton ; à cette époque, cette Province étoit infestée par des brigands qui, placés à l’entrée de la rivière sur des isles appelées aujourd’hui Isles des Larrons, sortoient de leur retraite, pour enlever les vaisseaux