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Page:Sonnerat - Voyage aux Indes orientales et à la Chine, tome 2.djvu/41

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VOYAGE AUX INDES

y est intéressé. Les Anglais, maîtres despotiques de l'Inde, voulant jouer le même rôle à la Chine, font beaucoup de bruit toutes les années ; mais ils finissent toujours par payer des sommes considérables pour la plus petite sottise : si les plaintes les mieux fondées ne parviennent point au chef de Canton, comment pourroient-elles arriver jusqu'au trône ? depuis que les Européens font le commerce de la Chine, on n'en a qu'un seul exemple. Les Anglais vexés depuis long-tems à un plus haut dégré que les autres nations, soit à cause de leur libéralité, soit dans la crainte qu'ils ne prissent trop d'empire, expédièrent en secret un bâtiment avec le Conseiller Ouilt, qui habitoit la Chine depuis son enfance, & parloit le Chinois comme un naturel du pays. Ils le chargèrent de demander justice à l'Empereur, & de lui présenter une requête au nom du Conseil ; tout se fit si secrétement, qu'on n'en fut instruit que lorsqu'ils approchèrent de Pékin : leurs plaintes parviennent jusqu'au trône ; on nomme quatre Commissaires qui viennent en pompe examiner si elles sont fondées ; mais bientôt gagnés par des sommes confidérables, ils s'accordent tous à dire qu'elles sont injustes; on arrête le vaisseau, l'équipage disparoît, & l'on interroge Ouilt pour connoître l'auteur de la requête : son maître de langue a la tête tranchée, ainsi que celui qui l'avoit transcrite ; on le condamne à subir le même sort ; mais le regardant comme un Sauvage à qui les loix n'étoient point connues, on commua sa peine en cinquante coups de bâton, & trois ans de prison à Macao, d'où il ne devoit sortir que pour être chassé ignominieusement de l'Empire. Cependant les Anglais ont toujours continué le commerce de la Chine.