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Page:Sonnerat - Voyage aux Indes orientales et à la Chine, tome 2.djvu/48

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VOYAGE AUX INDES

ques mesure de riz. Si quelque Chinois venoit parcourir nos hôpitaux remplis de malheureuses victimes de l’amour & de la honte, désavouées par les auteurs de leur existence, ne pourroit-il pas à son tour nous accuser de parricides ? C’est aussi sans fondement qu’on leur reproche de les noyer. Tous ceux qu’on voit passer le long des vaisseaux avec une calebasse vuide attachée au dos, m’ont paru être des enfans de bateliers tombés par mégarde, & à qui les pères n’ont pu donner de secours : il est vraisemblable qu’ils leur attache cette calebasse pour les faire surnager, lorsque cet accident arrive, précaution qu’ils ne prendroient pas s’ils avoient envie de s’en défaire.

L’autorité de l’Empereur est sans bornes ; on ne peut lui parler qu’en se prosternant : s’il adresse la parole aux Seigneurs de sa Cour, ils doivent fléchir le genuil en recevant ses ordres. Tout ce qui l’entoure partage le respect outré qu’on lui prodigue : un mandarin manqueroit essentiellement, s’il passoit devant la porte de son palais à cheval ou en voiture, & quand il sort, tous les Chinois ont ordre de se renfermer dans leurs maisons. Celui qui se trouve sur son passage, ne peut éviter la mort qu’en tournant le dos & en se jettant la face contre terre. C’est pour cela qu’aucune maison chinoise n’a de fenêtre sur la rue ; on ferme soigneusement les boutiques partout où l’Empereur doit passer : il est précédé de deux mille bourreaux qui portent des faisceaux, des tamtams & toutes sortes d’armes de justice. Tel est ce Prince débonnaire que les Missionnaires nous ont peint, cherchant le bonheur dans l’amitié de ses Sujets.

Quoique l’usurpateur Tartare ait adopté les loix chinoises, ce n’est pas une raison pour les croire bonnes. Il est de