Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/31

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Tourné vers les autels de ce palais auguste,
Je t’invoque avec eux, sinon comme un Dieu juste[1],
Du moins comme un mortel qui seul peut, dans ces maux,
Apporter le meilleur remède à nos fléaux.
À peine dans ces murs eus-tu fait ton entrée,
Que du sphinx par tes soins Thèbes fut délivrée[2] ;
Seul, par un sort heureux, de son tribut cruel[3]
Tu sus nous affranchir. Sans doute un immortel
Se servit de ton bras pour nous sauver la vie :
On célébra partout ton nom digne d’envie.
Sage et puissante tête[4], en ces malheureux jours,
Tu nous vois, prosternés, implorer ton secours ;
Si quelque voix divine ou mortelle t’inspire,
Que ton zèle avec nous contre le mal conspire.
Relève, homme sublime, une antique cité,
Rends-lui ses jours de gloire et de prospérité ;

  1. Voilà ce qui contribue avec art à rendre l’action plus tragique ; car cet Œdipe, si grand, si renommé, si loué, si adoré de son peuple, regardé sinon comme égal aux dieux, du moins comme le premier des hommes, doit bientôt en devenir l’exécration.
  2. On connaît le beau vers que Voltaire a pris à Corneille :
    Ce monstre à voix humaine, aigle, femme et lion.
    Le sphinx de Sophocle avait la tête et le sein d’une vierge, les griffes d’un lion, le corps d‘un chien, une queue et des ailes de dragon.
  3. Ce mot de tribut fait assez entendre que les Thébains étaient obligés de présenter de temps en temps quelqu’un qui s’efforçât de deviner l’énigme : sans quoi personne n’eût osé l’entreprendre, à la vue de tous ceux que le sphinx avait mis en pièces.
  4. Nous avons respecté le fameux Οἰδίπου κάρα, Œdipi Caput.