Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/35

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ŒDIPE.
On me l’a fait connaître,

Mais jamais à mes yeux je ne l’ai vu paraître.

CRÉON.
Il est mort ; d’Apollon, c’est l’oracle divin :

Il nous faut aujourd’hui punir son assassin.

ŒDIPE.
Ah ! puissions-nous ici, non sans d’heureux prodiges,

De cet ancien forfait retrouver les vestiges !

CRÉON.
Nos soins y parviendront : c’est dit-on, un Thébain

Qui leva sur son roi sa parricide main.
 

ŒDIPE.
Est-ce à Thèbe, au palais, que s’est commis le crime[1] ?

Est-ce aux champs que tomba cette noble victime ?

CRÉON.
Théore, il se rendait vers l’oracle sacré[2]

De Delphe, et dans ces murs jamais il n’est rentré.

ŒDIPE.
De quelqu’un de sa suite en suivant les indices,

On pourrait retrouver et coupable et complices.

  1. Laïus est-il tombé dans son palais ou aux champs ? dit le texte. Il était sans raison qu’Œdipe eût été si longtemps marié avec Jocaste, sans avoir su ni recherché comment avait péri cet ancien roi. Nous avons déjà dit, dans nos prolégomènes, qu’on ne peut excuser ce défaut visible, mais nécessaire. Sophocle l’a sauvé le mieux possible, en le rendant en quelque sorte si étranger à son action, qu’on ne s’avise pas de l’y trouver sans y réfléchir.
  2. Nous avons laissé subsister ce beau mot de théore : on appelait ainsi celui qui allait consulter les dieux ou leur faire des offrandes ; on nommait théorie un députation religieuse envoyée dans le même but.