Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/42

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OBSERVATION DRAMATIQUE.

Les anciens n’avaient pas comme nous d’entr’actes proprement dits, qui, laissant le théâtre vide, permettent de supposer un intervalle quelconque pour les faits qui se passent derrière la scène. Les actes des tragédies grecques n’étaient séparés que par des intermèdes que chantait le chœur, qui restait sur la scène et rendait par là l’unité de temps beaucoup plus rigoureuse. Cet usage ferait tomber le reproche adressé aux tragiques grecs de précipiter quelquefois un peu trop les événements. Le chant lyrique de la fin de chaque acte exprime les sentiments produits par l’acte qu’on a vu et dispose à ce qui suit.

Les chœurs conviennent surtout à des pièces où il s’agit, comme dans l’Œdipe, du salut de tout un peuple. Les Thébains sont les premiers intéressés dans le sujet de cette tragédie ; c’est de leur mort ou de leur vie qu’il y s’agit. Il est donc à propos de faire paraître de temps en temps sur la scène ceux qui ont le plus d’intérêt à s’y trouver. Racine a imité cet usage dans Esther et dans Athalie.

Dacier croit que ce chœur est composé des sacrificateurs de divers temples σὺν γήρα βαρεῖς ἱερῇς I, 1, et πρέσβεις IV, 4 ; mais ce premier passage prouve seulement que le théâtre est rempli de sacrificateurs et de prêtres à la première scène, mais non pas que ces vieillards soient le chœur, non plus que les enfants qui les accompagnent. Un autre endroit plus décisif ferait croire avec plus de fondement que le chœur est formé des plus notables Thébains, car Jocaste les appelle χώρας άνακτες, les principaux du pays, IV, I, 1.

Dans ce chœur, comme dans tout le premier tableau dont il est précédé, Sophocle a étalé toutes les richesses d’une ordonnance achevée, toute la vivacité du plus beau coloris, avec l’entente la plus admirable de la scène tragique.

Nous croyons qu’il importe de faire remarquer que, pendant ce chant du chœur, Œdipe demeure sur le théâtre, plongé dans de profondes méditations sur l’oracle que Créon vient de lui apporter. Tout le peuple thébain se rassemble, et le roi prend la parole au commencement de l’acte second.