Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ACTE IV.


Scène PREMIÈRE.

JOCASTE, LE CHŒUR.
JOCASTE.
O citoyens puissants qu’on respecte en ces lieux,

Je vais bientôt me rendre aux temples de nos Dieux,
Pour leur y présenter ces parfums, ces offrandes
Que je tiens en mes mains ainsi que ces guirlandes.
D’un trouble violent Œdipe est agité ;
De mortelles frayeurs son esprit tourmenté
Se livre et reste en proie aux plus sombres pensées.
De l’oracle oubliant les méprises passées,
Il n’a d’attention que pour d’affreux discours
Qui, de sa vie hélas ! empoisonnent le cours.
Je me consume en soins, en efforts inutiles
Pour rendre ses esprits plus calmes, plus tranquilles.
Apollon Lycien, dont je vois les autels
Accueille ma prière et mes vœux solennels[1] !
Pilote de l’État, au plus fort de l’orage,
Œdipe frémissant craint l’horreur du naufrage.

  1. Jocaste persiste dans sa funeste incrédulité ; mais, voyant sans aucun résultat ses efforts pour délivrer son époux de ses inquiétudes et de son désespoir, elle s’adresse, du moins extérieurement, au même Dieu Apollon, dont elle vient de mépriser les oracles. Le sentiment religieux du poète se fait remarquer plus loin, en ce que la prière de Jocaste, arrachée plutôt par la force des circonstances que par un élan naturel et spontané de son cœur, n’a pas trouvé grâce devant Apollon, le Dieu qui voit et sait tout, PHOEBUS, la lumière de la vie : φῶς lumière et βίος vie.