Aller au contenu

Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ŒDIPE.
Des mains d’un autre ainsi je passai dans les tiennes ?


LE BERGER.
Oui, des mains d’un berger tu passas dans les miennes.


ŒDIPE.
Quel était ce berger ? oh ! désigne-le-moi.


LE BERGER.
Il était, disait-on, à Laïus l’ancien roi.


ŒDIPE.
Au dernier roi, dis-tu, des Thébains ?


LE BERGER.
À lui-même ;

Il gardait ses troupeaux avec un soin extrême.

ŒDIPE.
Est-ce qu’il vit encore ? et pourrais-je le voir ?


LE BERGER.
Habitants du pays, vous devez le savoir.


ŒDIPE, (au chœur).
Qui le connaît ? Qui peut indiquer son asile ?

S’il vit aux champs, ou bien s’il habite la ville ?
Hâtez-vous, citoyens, de le faire venir,
Je voudrais à l’instant ici l’entretenir.

LE CHŒUR.
C’est le berger, à moins d’une apparence vaine[1],

Que jadis tu cherchas, mais Jocaste la reine
Le sait mieux que personne.

ŒDIPE.
Est-ce le villageois

Dont j’avais désiré la présence autrefois ?

  1. Celui qui avait reçu l’ordre d’exposer l’enfant Œdipe était donc le même qui restait comme témoin de la mort du roi Laïus, et que l’on attendait pour donner des renseignements sur ce dernier événement.
    Le chœur a raison de parler ainsi sur ce qu’avait dit Jocaste du berger de Laïus. Il y a d’ailleurs une adresse infinie à intéresser dans cette recherche la reine qui se tait d’étonnement, car elle sait déjà tout le mystère. Le reste de cette scène offre beaucoup d’art. Œdipe, toujours trop curieux pour son malheur, veut s’éclaircir en maître ou en despote, malgré les prières de la reine, déjà trop instruite ; et il attribue ses conseils a une crainte secrète qu’elle ne se trouve la femme d’un esclave, d’un fils de berger.