L’Œdipe à Colone est, nous l’avons déjà dit, la pièce où Sophocle s’est élevé à la plus grande hauteur, par la portée et la pureté des idées morales. Elle a une couleur profondément religieuse. Elle roule tout entière sur l’oracle qui a annoncé à Œdipe sa mort prochaine, et promis que son tombeau assurerait la victoire au peuple qui le posséderait. Ses malheurs ont expié ses crimes involontaires : les dieux, qui l’avaient tant poursuivi, se réconcilient avec lui, et lui accordent une mort paisible, glorieuse même, dans le sanctuaire des Euménides. C’est au milieu de leur bois sacré, dans le bourg de Colone, près d’Athènes, qu’il trouve enfin un éternel repos.
Ici, Œdipe est toujours victime de la fatalité, mais il n’en conserve pas moins un caractère hautement moral. Un enchaînement de circonstances extérieures, tout à fait indépendantes de son libre arbitre, l’a rendu criminel, mais sans qu’il l’ait voulu ; et cette absence de participation de sa volonté rassure sa conscience : il parle de ses crimes involontaires sans embarras, ils sont l’œuvre des dieux. Il établit nettement, et à plusieurs reprises, que c’est l’intention qui fait la faute, et qu’il n’y a pas culpabilité s’il n’y a participation de l’agent. La culpabilité n’est reconnue que dans l’intention de faire le mal ; le crime involontaire n’est plus un crime. L’homme a pu servir d’instrument dans la main des dieux ; mais si sa conscience est pure, il n’est pas vraiment coupable. Voilà