Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/293

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ment à pleurer le malheur d’être issues d’un sang criminel, devenu pour nous la source de nombreuses infortunes ; à la fin, nos maux ne pourront plus même se comprendre.

LE CHŒUR.

Qu’avez-vous ?

ANTIGONE.

O mes amis, on ne saurait l’imaginer.

LE CHŒUR.

Il a donc fini ses jours ?....

ANTIGONE.

De la manière la plus digne d’envie. En effet, il n’a été victime ni de Mars, ni des flots ; un nouveau genre de mort a terminé sa vie, mais la terre a ouvert pour lui ses ténébreuses retraites. Infortunées ! nos yeux se couvrent d’une nuit funeste. Comment pourrons-nous, dans notre course errante à travers les mers ou des contrées lointaines, trouver une chétive nourriture ?

ISMÈNE.

Je ne sais. Puisse le sanguinaire Pluton m’entrainer aux enfers, pour y partager la mort de mon vieux père ! Car pour moi, la vie désormais n’a plus rien de supportable.

LE CHŒUR.

O vertueuses sœurs, il faut supporter sans murmure ce qui vient des dieux, et ne pas vous livrer à l’emportement de la douleur ; votre sort n’est pas si déplorable.

ANTIGONE.

(Antistrophe 1.) On peut donc regretter même le malheur ! En effet, ce qui faisait ma joie était bien peu de chose, et cependant c’était, ma joie, quand je le tenais entre mes bras. O mon père, mon tendre père, aujourd’hui plongé sous terre dans les éternelles ténèbres, tu ne seras jamais privé de ma tendresse, ni de la sienne.

LE CHŒUR.

Il a donc fait... ?