puis-je gagner, soit à concilier, soit à prendre parti[1] ?
Vois si tu es prête à m’aider et à seconder mes efforts.
Quelle est donc ta pensée ? qu’oses-tu tenter ?
Vois si, avec ta sœur, tu veux enlever le cadavre ?
Songes-tu donc à l’ensevelir, malgré la défense publique ?
Oui, j’ensevelirai mon frère, qui est aussi le tien, que tu le veuilles ou non ; jamais on ne m’accusera d’avoir trahi mon devoir.
Quoi, malheureuse, malgré la défense de Créon ?
Mais il n’a pas le droit de m’interdire l’approche des miens.
Hélas ! ma sœur, songe que notre malheureux père est mort dans l’exécration et l’opprobre[2], et qu’après avoir lui-même découvert ses crimes, il se perça les yeux de ses propres mains ; puis celle qu’une double calamité fit sa mère et son épouse mit fin à sa vie par un lacet fatal ; enfin nos deux frères, les infortunés, le même jour, se sont mutuellement donné la mort, percés par la main l’un de l’autre. Et nous deux, maintenant restées seules, considère combien notre fin sera bien plus misérable, si, au mépris de la loi, nous bravons les ordres et l’autorité de nos maîtres ! D’ailleurs, il faut songer d’abord que nous sommes de faibles femmes, incapables de lutter