Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/373

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l’homme[1] ! malheureuse race des mortels, pour qui la vie a des maux sans mesure !

(Antistrophe 2.) Lui, qui ne le cède peut-être à aucune des plus antiques familles, privé de tout dans la vie, languit seul, loin des hommes, parmi les bêtes sauvages[2], triste objet de pitié, en proie à la fois aux souffrances et à la faim, et livré à des soucis incurables, et la voix infatigable de l’écho répète au loin ses plaintes amères[3].

NÉOPTOLÈME.

Sa misère n’a rien qui me surprenne ; car, si je ne me trompe, c’est une volonté divine, c’est l’implacable Chrysa[4] qui lui envoie ces maux, et si maintenant il souffre, sans que personne prenne soin de lui, ce ne peut être sans l’intervention de quelque dieu, qui ne lui permet pas de lancer contre Troie les flèches divines et invincibles, avant que le jour marqué pour sa ruine soit venu[5].

LE CHŒUR.

(Strophe 3.) Fais silence, mon fils !

  1. Sans doute le complément de la pensée serait : « Combien tu es impuissante à le soulager ! »
  2. Le texte ajoute, « à la peau tachetée ou velue. »
  3. Cicéron, Tuscul. II, 14, et De Fin. II, 29, cite deux vers d’Attius, imités de ce passage :
    Ejulatu, questu, gemitu, fremitibus,
    Resonando, multum flebiles voces refert.
  4. Le nom de Chrysa revient encore deux fois dans cette pièce : vers 269-270 : « Lorsqu’en venant de Chrysa, baignée par la mer, ils abordèrent sur cette côte, » Et vers 1327 : « Cette blessure t’a été infligée par les dieux, pour avoir approché du serpent caché dans le sanctuaire de Chrysa » Le rapprochement de ces trois passages prouve que le nom de Chrysa désignait à la fois une nymphe, et une île consacrée à cette nymphe. L’île était dans la mer Égée, non loin de Lemnos. — Quand les Grecs partirent pour Troie, il leur avait été prédit que s’ils ne trouvaient l’autel de la nymphe Chrysa dans l’île de ce nom, et s’ils n’y offraient un sacrifice, ils ne pourraient se rendre maîtres de Troie : Philoctète, en découvrant cet autel, fut blessé au pied droit par le serpent qui le gardait. — Une autre tradition veut que Chrysa soit, non pas une nymphe, mais un des noms de Minerve.
  5. Littéralement : « avant que soit venu le temps où il est dit que cette ville doit être domptée par ces traits. »