Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/374

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NÉOPTOLÈME.

Qu’y a-t-il ?

LE CHŒUR.

J’ai entendu comme un bruit semblable[1] à celui d’un homme qui marchait avec peine, ou de ce côté, ou de l’autre. J’entends, oui, j’entends vraiment le bruit d’un homme forcé de se traîner péniblement sur le sentier, et malgré l’éloignement, sa voix vient jusqu’à moi, douloureuse et déchirante, car ses cris deviennent plus distincts.

LE CHŒUR.

(Antistrophe 3.) Mais fais, mon fils...

NÉOPTOLÈME.

Quoi donc ?

LE CHŒUR.

Plus d’attention que jamais ; car il n’est pas loin, il est près de nous, et ce ne sont pas les sons de la syrinx[2] qu’il fait entendre, comme un berger qui paît ses troupeaux dans les champs ; mais peut-être a-t-il heurté son pied, et la douleur lui arrache ces cris, ou peut-être est-ce la vue d’un vaisseau sur ces parages inhospitaliers ; car ses cris ont quelque chose de terrible[3].



PHILOCTÈTE.

O étrangers[4] ! qui êtes-vous donc, vous qu’une rame agile amène sur ce rivage inabordable et désert[5] ? Quelle patrie, ou quelle origine pourrais-je vous donner, sans

  1. Κτύπος σύντροφος : Voyez plus haut la note sur le vers 171.
  2. La syrinx, ou flûte de Pan, on peut voir ma note sur le vers 140 de l’Oreste d’Euripide.
  3. Le poète annonce ainsi avec beaucoup d’art l’entrée de Philoctète, il prépare le spectateur à son aspect repoussant.
  4. J’ai emprunté à l’auteur du Télémaque quelques passages de son bel épisode du XVe livre, toutes les fois que l’exactitude l’a permis. Ils respirent toute la simplicité antique ; on ne pouvait traduire Sophocle avec plus de vérité.
  5. Le poète latin Attius, qui avait fait un Philoctète imité surtout de celui d’Eschyle, a rendu ainsi les paroles du héros :
    Quis tu es mortalis, qui in deserta Lemnia
    Et tesqua te apportes loca ?