Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/472

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HYLLOS.

Mais mon triste cœur éclate, sous le poids intolérable de sa douleur.

HERCULE.

O Jupiter ! en quel lieu de la terre suis-je arrivé ? Chez quels mortels me vois-je étendu, en proie à d’incurables souffrances ? Hélas ! malheureux que je suis ! voici de nouveau le mal cruel qui me dévore. Hélas !

LE VIEILLARD.

Ne savais-tu donc pas qu’il valait mieux cacher ta douleur en silence, et ne pas écarter le sommeil de ses yeux ?

HYLLOS.

Ah ! c’est que je ne saurais comment supporter l’aspect de ses souffrances !

HERCULE.

Autels que j’élevais sur le promontoire de Cénée ! quel prix me réserviez-vous, à moi malheureux, pour de si riches offrandes ! O Jupiter, à quel affront as-tu livré ton fils ! Plût aux dieux que je n’eusse jamais connu de tels maux, et ressenti ces incurables douleurs, qui causent mon délire ! Quel enchanteur, quelle main expérimentée dans l’art de guérir, si ce n’est celle de Jupiter, aurait la puissance de les calmer ? Ne puis-je voir un tel miracle[1], même de loin ? Ah ! ah ! laissez-moi endormir mes souffrances, laissez-moi dormir pour la dernière fois ! Pourquoi me toucher ? pourquoi m’incliner ? cruel ! tu me fais périr. Tu as réveillé le mal assoupi, tu me blesses !.... il s’attache à moi, ô malheur ! Voici qu’il revient. Où êtes-vous, ô les plus ingrats de tous les Grecs, vous dont j’ai tant de fois purgé les mers et les forêts, au péril de ma vie ? Et maintenant, dans mes souffrances, personne ne m’apportera-t-il le fer ou la flamme qui doit me guérir[2] ?

  1. J’adopte, avec Hermann, le point d’interrogation, qui seul donne à cette phrase un sens raisonnable.
  2. On trouve un vœu semblable, dans Philoctète, v. 747-9.