Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veau[1], il pénètre mes flancs. Le cruel fléau qui me dévore, ne me laissera pas de relâche. O Pluton, reçois-moi dans les enfers ; foudre de Jupiter, frappe-moi ! Roi des dieux, ô mon père, jette, lance sur moi les traits de ta foudre ! Car il se ranime encore, il me consume, il m’attaque avec toute sa fureur ! O mains redoutables ! poitrine robuste ! bras qui m’étiez si chers ! est-ce vous qui domptiez le lion de Némée, ce fléau des pâtres, ce monstre énorme et terrible, et l’hydre de Lerne, et les Centaures, race à double forme, aux jambes de coursiers, outrageuse, déréglée, violente, et le sanglier d’Érymanthe, et aux enfers, le chien à trois têtes, monstre invincible, issu de l’horrible Échidna[2], et aux extrémités du monde, le dragon gardien des pommes d’or[3] ? J’ai affronté bien d’autres périls innombrables, et jamais nul ennemi ne triompha de moi ! et maintenant brisé, déchiré, je suis consumé par un poison insaisissable, moi que l’on dit fils d’une mère illustre et de Jupiter, maître des cieux. Mais sachez-le bien, quoique je ne sois plus qu’une ombre, et que je ne puisse me soutenir, il me reste du moins assez de forces pour me venger de celle qui m’a causé ces maux. Qu’elle approche seulement, afin de montrer à tous par son expérience, qu’Hercule, pendant sa vie et à sa mort même, a châtié les méchants.

LE CHŒUR.

O malheureuse Grèce ! à quel deuil je la vois condamnée, si ce héros lui est ravi !

HYLLOS.

O mon père, puisque tu m’as permis de répondre, prête silence et écoute-moi, malgré le mal dont tu souffres. Car

  1. Sénèque, Herc. Œt., 1277 :
    Urit ecce iterum fibras,
    Incaluit ardor : unde nunc fulmen mihi ?
  2. Sophocle suit ici Hésiode, qui fait naître Cerbère d’Échidna et de Typhon, ainsi que Hygin, dans son préambule : mais dans l’Œdipe à Colone (v. 1574), il lui donne une autre origine.
  3. Sur les nymphes Hespérides, v. Hésiode, Théogonie, v. 214, et l’Ènéide, IV, v. 480 et suivants.