Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/93

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non des fureurs de Mars sur une terre étrangère , mais de ma mère et de l’adultère Égisthe, qui tous deux l’ont frappé d’une hache meurtrière, comme le chêne qui tombe sous les coups du bûcheron[1].

Et nul autre que moi, ô mon père, ne donne des larmes à ta mort si cruelle et si digne de pitié !

Mais jamais je ne cesserai de faire entendre mes gémissements et mes sanglots, tant que je verrai les brillantes étoiles de la nuit, tant que je verrai la lumière du jour ; jamais je ne cesserai, comme le rossignol qui a perdu ses petits, de faire retentir mes accents plaintifs aux portes du palais de mon père.

Sombre demeure de Pluton et de Proserpine, Mercure Souterrain, Imprécation révérée, et vous, filles des dieux, redoutables Érinnys, qui punissez le meurtre et l’adultère, venez, secourez-moi, vengez la mort de mon père, et envoyez-moi mon frère : car seule, je n’ai plus la force de supporter le poids intolérable de ma douleur[2].



LE CHŒUR.

{Strophe 1.) O fille de la plus coupable des mères, Électre, pourquoi te consumer ainsi dans des plaintes intarissables sur celui que la trahison d’une épouse impie livra jadis à une main criminelle, sur Agamemnon ? Ah ! s’il m’est permis de former ce souhait, périsse l’auteur d’un tel attentat !

  1. Σχίζουσι κάρα᾽ « ont fendu sa tête en deux, comme des bûcherons fendent un chêne.» Cette image est empruntée de l’Iliade, XIV, v. 389, et XVII, v. 482. Horace l’a reproduite, Satir. I, 1, v. 100 :
    Divisit medium fortissima Tyndaridarum.
  2. Λύπης ἀντίῤῤοπον ἄχθος « le poids de ma douleur placé dans l’autre plateau de la balance. »
    C’est ainsi qu’Eschyle a dit dans les Perses, v. 345-6 : « C’est un Dieu qui a détruit notre armée, en faisant pencher la balance par un coup prépondérant de la fortune. »
    Τάλαντα βρίσας οὐκ ἰσοῤῤόπῳ τύχῃ