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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/140

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au bout d’une baguette d’argent, afin de se conduire en allant vers le quartier de la lune, parce que le chemin était obscur en l’absence du soleil qui était autre part. Je pensai alors que de cette coutume de déplacer ainsi les étoiles provient que les hommes en voient quelquefois aller d’un lieu à l’autre.

Je suivais mes bonnes déesses, comme mes guides, lorsqu’une, se retournant, m’aperçut et me montra à ses compagnes qui toutes vinrent me bienveignerwkt et me faire des caresses si grandes, que j’en étais honteux. Mais, les mauvaises, elles ne firent guère durer ce bon traitement ; et comme elles songeaient quel supplice rigoureux elles me feraient souffrir, la plus petite de leur bande commença à rendre son corps si grand, que de la tête elle touchait à la voûte d’un ciel qui était au-dessus, et me donna un tel coup de pied, que je roulai en un moment plus de six tours tout alentour du monde, ne me pouvant arrêter, d’autant que le plancher est si rond et si uni, que je glissais toujours. Et puis, comme vous pouvez savoir, il n’y a ni haut ni bas, et, étant du côté de nos antipodes, l’on n’est plus renversé qu’ici. À la fin, ce fut une ornière que le chariot du soleil avait cavéewkt qui m’arrêta, et celui qui pansait ses chevaux, étant là auprès, m’aida à me relever et me donna des enseignes, comme il avait été en son vivant palefrenier de l’écurie du roi ; ce qui me fit conjecturer qu’après sa mort, l’on reprend où l’on va l’office que l’on avait en terre.

Me rendant familier avec cettui-ci, je le priai de me montrer quelques singularités du lieu où nous étions. Il me mena jusques à un grand bassin de cristal, où je vis