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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/302

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du tout envoyèrent celui-ci par devers moi, pour voir s’il aurait à l’heure un libre accès auprès de lui. Ce personnage de trente-cinq ans ou environ, ayant de très bonnes raisons et un geste très grave, fut pris de moi pour honnête homme : je le menai jusqu’à l’allée de la chambre de Clérante et lui dis qu’il entrât hardiment, puis m’en allai où j’avais affaire. Il fait à Clérante une très humble révérence et lui dit :

— Monseigneur, l’extrême désir que j’ai de vous rendre du service, joint à celui de me voir délivré de persécutions de quelques-uns de mes parents, me fait venir ici pour vous supplier de me mettre sous l’aile de votre protection, en me rangeant au nombre de vos sujets. Je ne vous demande ni gages ni récompenses : pourvu que j’aie ma vie, c’est assez : et si je me promets bien de vous rendre de bons services que vous ne devez pas espérer de plusieurs. Je suis licencié ès lois, monseigneur, et j’ai autant de bonnes lettres qu’il m’en faut pour toute sorte d’occasions. Au reste, j’ai du courage, et, s’il est besoin de manier une épée, je m’en acquitterai aussi bien que pas un gentilhomme de votre suite.

— Je n’ai pas le loisir de parler à vous à cette heure-ci, répondit Clérante ; je vous remercie de la bonne volonté que vous avez de me servir. Si ma maison n’était point faite et remplie de tous les Officiers qu’il lui faut, je vous emploierais au mieux qu’il se pourrait faire.

Alors cet homme, avec des yeux égarés, lui repartit ainsi :

— Si vous connaissiez ma vertu, tant s’en faut que vous fissiez difficulté de me prendre, qu’au contraire