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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/301

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se pannaderwkt avec des riches accoutrements, et que c’est avoir une âme qui résiste à tous les assauts que lui peut livrer la fortune, et qui ne mêle rien de bas parmi les actions. Il semblait que, comme Hercule, je ne fusse né que pour chasser les monstres de la terre : toutefois, pour dire la vérité, il n’y avait pas moyen que j’opérasse du tout en cela, car il faudrait détruire tous les hommes qui n’ont plus rien maintenant d’humain que la figure. Je ressemblais aussi à cet autre Hercule gaulois qui attirait les personnes par les oreilles avec des chaînes qui sortaient de sa bouche ; je le puis dire sans vanité, et que ceux qui m’oyaient discourir étaient attirés à me vouloir du bien, quoique le plus souvent je leur contrariasse en beaucoup de choses.

Clérante même ne pouvait éviter ma censure, qui était si douce néanmoins qu’elle ne l’offensait aucunement : joint qu’elle ne se faisait qu’en secret. L’on dit que Diogène, étant mis en vente avec des autres esclaves, fit crier s’il y avait quelqu’un qui voulût acheter un maître, et que de fait celui qui l’acheta souffrait d’être maîtrisé de lui, recevant les enseignements de philosophie qu’il lui donnait : ainsi j’étais au service d’un maître qui me nourrissait et me baillait bon appointement, et si je prenais l’autorité sur lui, et lui commandais qu’il s’abstînt de beaucoup de choses ; je m’y prenais d’une façon qui ne lui était point désagréable, et tout autre que moi n’y eût pas réussi de la sorte.

Comme j’étais un matin dedans sa cour, il vint un homme, vêtu assez modestement, demander à parler à lui. Les gens qui savaient que je possédais Clérante