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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/304

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passée, l’on vendra l’eau de la Seine plus chèrement que le sang de bœuf.

Ayant enfilé cette belle harangue, il se prit à rire tant qu’il put, et vous pouvez croire que ceux qui l’écoutaient ne s’oublièrent pas à en faire de même. L’homme de chambre riait plus fort que pas un, et avec un si grand éclat que l’avocat l’ouït et, lui ayant baillé deux ou trois coups de poing, il lui dit :

— Ne veux-tu pas te taire, ignorant ? Penses-tu que je sois venu ici pour te faire rire ?

— Que chacun se taise ! dit Clérante, en mettant la paix partout ; je vois bien qu’il a quelque grande chose à me raconter.

— Je vous veux narrer une petite fable, reprit-il alors, elle vient de l’antérieure boutique de mon cerveau privativement. Ce cacochyme d’Ésope n’y a rien mis du sien. L’aigle, plus amoureux de proie que d’honneur, quitta un jour le foudre que le boiteux Vulcain a forgé tortuwkt comme lui pour le tout-puissant Jupin. C’était un grand sot de faire cette folie-là, car chacun l’honorait auparavant comme le porteur des armes dont le grand dieu punit les forfaits. Il fut plus aise d’être libre et d’aller à la picorée sur les habitants de l’air ; cependant Jupin, le méprisant, mit deux colombes au pareil état qu’il avait été. C’est pour vous dire, messieurs, que la cour reconnaîtra, s’il lui plaît, que l’intimé a bon droit, étant fondé sur une hypothèque. Ce fut Saturne même qui fit l’exploit de ma partie au temps qu’il était sergent. Je m’imaginais, l’autre jour, que mon cul était un muid de vin et que vous boutiez votre nez dans le trou