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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/305

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pour le percer. Il vint un grand tonnerre qui troubla toutes choses. Le soleil chut dedans la mer, avec cinquante étoiles qui lui servaient de pages. Il fut tant bu, qu’en moins d’un rien l’on les vit à sec dessus le sable, et ce fut de ce lieu-là que depuis on reçut leur lumière ; en après, je jetai mon bonnet par-dessus les moulins.

Ensuite de cela, il dit encore mille choses sans raison, où l’on reconnaissait combien il avait le cerveau troublé. Clérante, ayant bien entendu que c’était moi qui l’avait introduit en sa chambre, s’imagina que je l’avais fait pour lui apporter du contentement ; et m’ayant fait appeler, il connut que je n’avais encore rien su de la folie du personnage. Pour mettre notre avocat en humeur de bien jaser, je chasse d’auprès de lui des badins qui lui faisaient des questions cornueswkt-3 dont ils l’irritaient ; je ne lui parle que de plaisir et de bonne chère, je lui rends du respect, je fais semblant d’admirer ses propos, et cela le convie à m’en arranger de si plaisants, que je ne sais quelle discrète retenue il eût fallu avoir pour n’en rire point.

Dès le jour même, il vint de certains hommes le demander ; l’on les amène à Clérante à qui ils disaient que c’était leur parent, qui avait eu l’esprit troublé par la fâcherie qu’il avait reçue de la perte d’un procès où il allait de tout son bien, et que, par charité, ils le retiraient en leur maison encore qu’il leur fît beaucoup de maux lorsqu’il tombait en sa plus grande frénésie.

— Je vous veux délivrer de peine, répondit Clérante ; il s’est venu s’offrir à moi, je désire le retenir et lui faire bon traitement.